Commentaire de la sanction Tutélaire rendue par l'ACPR


Après la sanction de plusieurs assureurs-vie (CNP Assurances), c’est maintenant au tour des acteurs de la prévoyance d’être sanctionnés pour des contrats en déshérence. Tel est le cas de cette sanction prononcée par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) à l’encontre de la mutuelle Tutélaire.

Tutélaire est une mutuelle créée en 1907 pour « garantir une couverture prévoyance aux petites catégories de personnel des PTT ». Cette mutuelle commercialise en souscription individuelle un contrat de prévoyance dénommé TUT’LR. Il s’agit de son principal produit auquel plus de 400 000 personnes ont souscrit. Ce contrat couvre la dépendance, l’incapacité de travail, l’hospitalisation et le décès. L’objectif du contrat TUT’LR n’est pas de transmettre un capital aux bénéficiaires en cas de décès, mais la perception d’un capital de 16 500 euros en cas de décès de l’assuré avant 67 ans.

L’ACPR sanctionne la mutuelle au motif qu’elle n’aurait pas mis en œuvre les démarches nécessaires afin d’identifier les assurés décédés et rechercher leurs bénéficiaires.

L’article L 223-10-2 du code de la mutualité dispose « les mutuelles et unions ayant pour objet la réalisation d’opérations d’assurance s’informent au moins chaque année, du décès éventuel de l’assuré. Les organismes professionnels consultent chaque année les données figurant au répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP) et relatives au décès des personnes qui y sont inscrites ». Cet article a été introduit par la loi du 17 décembre 2007 dans le code des assurances.

Selon le grief 1, Tutélaire n’a pas satisfait pleinement à son obligation de recherche générale des assurés décédés. A compter du mois de mars 2009, les mutuelles devaient mettre en œuvre les moyens nécessaires permettant une recherche générale et systématique du décès éventuel de leurs adhérents et ce, en n’excluant de leur recherche aucune catégorie de contrats tels qu’exposé dans le dispositif AGIRA. 

Tutélaire qui ne s’est abonnée au dispositif qu’à compter du 31 janvier 2013, interroge le RNIPP uniquement lorsqu’elle a eu connaissance du décès d’un adhérent via une caisse régionale de pension et seulement dans le but de se faire confirmer l’information. A la demande de la mission de contrôle, Tutélaire a soumis au RNIPP l’ensemble de son portefeuille d’adhérents entre le 31 décembre 1991 et le 1er mai 2017 et a ainsi permis d’identifier a minima 758 et potentiellement 3631 décès parmi ses adhérents.

Le dit-article mentionne également « lorsque la mutuelle ou l’union est informée du décès du membre participant, elle est tenue de rechercher le bénéficiaire, et si cette recherche aboutit, de l’aviser de la stipulation effectuée à son profit ».

Selon le grief 2, la mutuelle n’a pas mis en œuvre les moyens et procédures suffisants pour respecter son obligation de recherche des bénéficiaires. Lorsque le décès est signalé par un tiers, la procédure mise en place par la mutuelle en matière de recherche des bénéficiaires se borne à prévoir l’envoi d’un courrier à l’attention dudit tiers ou des ayants droit de l’adhérent qui, s’il reste sans réponse n’est suivi d’aucune action.

Tutélaire avait identifié 5460 contrats non réglés concernant des adhérents décédés entre 2003 et 2016, correspondant à un montant total de près de 7 millions d’euros. La mission de contrôle a estimé le montant des capitaux décès non réglés à environ 10,4 millions d’euros pour la période 1992-2015 auquel il convient d’ajouter les montants non réglés relatifs à la garantie temporaire décès, environ 0,4 million d’euros.

Malgré les actions entreprises après le début de la mission de contrôle, l’échantillon examiné démontrent l’ampleur des carences de Tutélaire dans ce domaine. De ce fait, l’ACPR prononce un blâme pour manquements graves et une sanction pécuniaire de 500 000 euros à l’encontre de la mutuelle.

Dans cette décision, l’ACPR rappelle que « contrairement à ce qu’affirme la Tutélaire, les obligations de détection du décès éventuel des assurés et de recherche de leurs bénéficiaires ne sauraient être réduites aux seuls contrats d’assurance sur la vie présentant une dimension d’épargne ». Ce rappel avait déjà été souligné par la Commission lors des décisions Allianz Vie du 19 décembre 2014 et Groupama Gan Vie du 25 juin 2015. La Commission avait souligné la portée très générale des obligations issues de la loi du 17 décembre 2007, plus précisément l’obligation de détection du décès éventuel de l’assuré et la recherche de leurs bénéficiaires.

Cette sanction n’est pas un revirement de jurisprudence. En effet, l’ACPR avait déjà sanctionné en 2014 sur le même fondement l’entité CARDIF assurance vie. Elle avait considéré que CARDIF avait tardé à respecter les obligations issues de la loi du 17 décembre 2007 qui lui imposaient d’adopter une démarche active d’identification des assurés décédés et de recherche des bénéficiaires de ces contrats. Les moyens déployés étaient jugés par l’autorité comme étant trop tardive pour traiter, dans un délai raisonnable, les informations sur la survenance de décès issues des consultations du RNIPP.

A l’avenir, nous conseillons fortement aux mutuelles de se mettre rapidement en conformité avec les obligations issues de la loi du 17 décembre 2007. A cet effet, l’ACPR a rendu un avis en 2014 relative au frais de recherche des bénéficiaires des contrats d’assurance vie. Elle considère « que les pratiques consistant à imputer sur le montant du capital décès versé au bénéficiaire tout ou partie des frais générés par la recherche de ce dernier, que cette imputation soit prévue ou non dans les clauses du contrat, sont contraires aux dispositions précitées du Code des assurances, du Code de la mutualité et du Code de la sécurité sociale ».

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